Programme A - Dynamique de peuplement
Les néolithisations
La question de la néolithisation est souvent abordée comme un stade évolutif dans une évolution linéaire : on suppose que ce stade est franchi plus ou moins précocement par des sociétés mésolithiques en fonction de leur proximité avec le "noyau" de néolithisation primaire situé dans le Croissant Fertile. La néolithisation est par ailleurs appréhendée comme un processus plus ou moins uniforme, où les sociétés humaines se sédentarisent dans le sillage de la domestication de certains animaux et de certaines plantes. Mais les travaux récents menés en Anatolie, en Iran ou au Caucase ont révélé l'existence de phénomènes bien plus complexes, où la néolithisation, vécue non pas comme un progrès mais comme une nécessité, se traduit par la naissance de l'élevage mais pas de l'agriculture (ou l'inverse), ou encore, s'effectue dans un cadre de vie largement mobile. Tous ces cas de figure justifient que l'on parle désormais de "néolithisations" et que l'un des enjeux majeurs de la recherche archéologique, en Orient, dans le Caucase ou en Europe, consiste à analyser les processus par lesquels certaines sociétés humaines ont développé une économie de production, tandis que d'autres, parfois dans un même territoire, choisissent de conserver un mode de subsistance fondé sur la chasse et la cueillette. Les dynamiques de peuplement de la fin du Pleistocène et du début de l'Holocène demandent donc à être étudiées en fonction de ces nouveaux paradigmes.
L'étude de la néolithisation du Caucase se fera à travers la poursuite des travaux de terrain menés à Kültepe I et Uçan Agil, au Nakhchivan (Mission Araxe), tandis qu'un travail de réflexion collective engageant tous les acteurs, français ou étrangers, sera engagé grâce à l'IRN "Worlds in Transition", dont le Thème 1 porte précisément sur cette question.
Au Proche- Orient, l’un des foyers majeurs de la néolithisation est constitué par le nord de la vallée de l’Euphrate, en Syrie, au cours du Xe millénaire. Les recherches porteront sur formation des territoires néolithiques, qui sera abordée à partir de l'étude de fouilles anciennes (Mureybet, Jerf el-Ahmar, tell Abr...). En Syrie centrale et en Jordanie, c’est le mode d’occupation des espaces steppiques qui sera l’objet d’étude, sur le partage des territoires entre le IXe et le VIe millénaire (Bal‘as, Qdeir, Jibal al-Khashabiyeh...). Cette problématique sera également envisagée pour des occupations néolithiques plus récentes aussi bien en Afrique de l’Est qu’en Asie centrale.
Structuration des territoires
Ce sous-programme questionne le rôle des pouvoirs politiques centralisés dans la structuration des territoires. Il sera nourri de l'analyse de la documentation recueillie au cours des prospections archéologiques réalisées dans différents contextes : territoire d'une cité (Malia en Crète, al-Rawda en Syrie, Pasargades et autres sites du sud de l’Iran), zones de marges par rapport à un centre administratif (les montagnes du Caucase – Azerbaïdjan, Géorgie, Arménie –, la vallée du Halil rud (sud-est de l’Iran), le plateau du Tigray en Éthiopie, les Marges arides de la Syrie du Nord et de Jordanie), oasis (Kayrit en Ouzbékistan, Bât et al-Arid en Oman)...
Ces « fenêtres » montrent, dans ces contextes environnementaux variés, des phases d'occupation marquées par une forte emprise agricole (voire même une urbanisation dans certains cas) et des hiatus apparents. La réflexion commune des archéologues de terrain et des spécialistes de télédétection, de géographie historique et de modélisation, mettra en évidence les formes de structuration des territoires. L'analyse de répartition et de la hiérarchie des agglomérations, des habitats isolés et des infrastructures permettront de mettre en évidence différents modèles de représentation spatiale du pouvoir.
Mobilités, routes, itinéraires
La période du Paléolithique au Néolithique a souvent été présentée comme le passage d'un mode de vie mobile à la sédentarisation des populations humaines. Si la réalité du mode de vie néolithique apparaît beaucoup plus complexe, la mobilité pratiquée par les populations de l'Orient et du Caucase depuis la fin du Pleistocène prend différentes formes, dont l'analyse sera au centre du présent programme : La Mission Araxe au Nakhchivan s'attachera par exemple à analyser les conditions de formation du pastoralisme vertical dans le Caucase (phénomène néolithique ou chalcolithique ?), à retracer les itinéraires des pasteurs nomades par l’étude de données géochimiques et bioarchéologiques (obsidienne, dents de caprinés...), à reconstituer les territoires des formations non étatiques par l'étude de l'implantation des monuments funéraires (tumuli, cairns), en lien avec l'opération 4.B.1 de l'axe 4, des pétroglyphes et des bétyles.
Au Proche-Orient, l'étude des routes et des contacts entre les sites sédentaires, les campements saisonniers et les camps de chasse est au centre d’une recherche plus générale sur l’occupation et la mobilité des zones steppiques de Syrie et de Jordanie. L’étude sera réalisée à partir des exemples de Qdeir et de Jarette Gazella, sites nomades du VIIe millénaire, de l'exploitation des données de la prospection des Marges arides de Syrie du Nord (transpériode) et de l’étude microrégionale autour du site d’Al-Rawda (3e millénaire), dans la steppe à l'est d’Hama, et de celles de la prospection du Harra occidental, au nord-est de la Jordanie.