Axe 3 - Marqueurs culturels
Responsables : Johnny Samuele Baldi et Rémy Crassard
Les marqueurs culturels, les identités, les faits techniques, le monde symbolique, les rites et l’expression des pouvoirs sont au cœur des sujets traités dans l’axe 3. Celui-ci se décline en deux programmes réunissant archéologues, historiens et épigraphistes qui participent à une réflexion commune. L’enjeu au-delà de la culture matérielle et des sources textuelles est d’apporter un éclairage nouveau sur la mise en place des savoirs et des pouvoirs et sur leur impact sur la structure sociale.
Deux programmes structurent cet axe :
Programme A - Systèmes techniques et comportements
- Savoir-faire et faciès typo-chronologiques
Le programme repose sur l’analyse des systèmes techniques de la préhistoire aux périodes historiques à travers les différentes composantes de la culture matérielle. Les industries lithiques, osseuses, les productions céramiques, les parures, les objets strictement utilitaires ou symboliques, sont analysés en termes de chaînes opératoires, des choix, des contraintes et des savoirs impliqués. Les terrains d’études se répartissent de l’Asie centrale au Proche-Orient, l’Europe orientale et la sphère méditerranéenne. Les aires géographiques et les milieux différents permettent d’approcher le fait technique dans sa globalité et dans toute sa complexité. Les industries lithiques seront traitées à partir d’études typologique, technologique et tracéologique. Au Proche-Orient, cela concernera les industries en silex et obsidienne de populations en cours de néolithisation. Des assemblages lithiques inédits (en Jordanie, en Iran, en Iraq et au Kurdistan) et la reconsidération d’assemblages plus anciens (en Syrie) serviront de base à ces études.
Les savoir-faire impliqués dans la Néolithisation, la reconstitution des dynamiques locales et les mécanismes de ce processus seront au cœur des études. Plus particulièrement, le site de Jibal al-Khashabiyeh en Jordanie nous offre la possibilité de mettre en relation outillages, habitats et structures de chasse. L’archerie néolithique sera aussi au centre d’un programme d’archéologie expérimentale impliquant des sites syriens et jordaniens. D’autres aspects comme les outillages impliqués dans les techniques agricoles et dans les artisanats comme la réalisation de parures seront également traités du néolithique au chalcolithique dans ces mêmes régions.
Dans le sud de l’Europe et en Méditerranée orientale l’accent sera porté sur la reconnaissance et la caractérisation d’industries en pierre du mésolithique et du néolithique (en Grèce) et de la fin du paléolithique supérieur et du mésolithique en Ardèche (azilien). Cette fois les enjeux sont une redéfinition d’ensembles lithiques à partir de stigmates de taille. En Savoie, dans le Vaucluse et dans les Bouches-du-Rhône, il s’agira de l’étude de mobiliers néolithiques polis ou encore l’étude du site minier de la Grave qui donnera l’opportunité d’étudier les stratégies d’économie lithique en milieu Alpin. Concernant les traditions céramiques et plus généralement des objets en terre, les analyses seront typologiques, technologiques, pétrographiques et chimiques pour des sites allant du néolithique à l’âge du Bronze. Au Nakhchivan, elles viseront à une meilleure compréhension des dynamiques interrégionales impliquées. En Syrie, ce sont les régions de Tell Al-Rawda et Qatna qui seront étudiées pour déterminer les provenances et les ateliers de production afin de reconstituer les systèmes techniques et les réseaux d'échanges sur la longue durée. Dans la province du Hormozgan et la vallée de Jiroft en Iran, les études tenteront de définir le cadre typo-chronologique de productions céramiques du 4e, 3e et 2e millénaires av. J.-C. Les outillages en os étudiés proviendront pour l’essentielle d’Europe orientale et d’Asie centrale pour des sites allant du néolithique à l’âge du Bronze. Là aussi, les technologies et les transferts techniques seront au cœur des problématiques.
- Stratégies économiques et alimentation
La collecte des denrées alimentaires, leur transformation, leur consommation, leur conservation et leur gestion génèrent des pratiques mobilisant des savoir-faire spécifiques et des comportements qui ont structuré les économies et les modes de vie des sociétés. De la préhistoire aux périodes historiques, l’alimentation sera traitée dans ses pratiques et ses formes les plus diverses avec en ligne de mire ses implications dans la création des identités culturelles. Les outillages lithiques seront sollicités dans cette approche. Cela concernera des études technologiques et tracéologiques. Une approche expérimentale liée à l’archerie et aux outils agricoles du néolithique à l’âge du bronze est également programmée. Les sites impliqués vont de la Syrie au Liban, la Jordanie et la Grèce.
La céramique culinaire au Levant, en Asie centrale et en Afrique de l’Est ainsi que les structures de combustion seront aussi étudiées dans leur rôle dans la transformation des denrées alimentaires. Les denrées végétales et fauniques seront analysées en termes de stratégies alimentaires afin d’éclairer la place qu’elles occupent au sein des sociétés allant du néolithique à l’âge du bronze aussi bien au Proche-Orient et en Asie centrale qu’en Afrique de l’est. Les recherches sur l’alimentation au Proche-Orient et dans le sud Caucase du Néolithique à l’âge du bronze à travers des analyses isotopiques de restes humains et animaux, qui ont déjà commencé lors du précédent quinquennal, seront poursuivies.
- Techniques de constructions
Les techniques de construction en terre, en pierre, en bois mobilisent savoir-faire et compétences techniques. Leur analyse permet aussi bien d’appréhender les milieux environnementaux et techniques que sociaux. La tradition, l’innovation ou l’invention ainsi que les transferts techniques sont analysés depuis l’Europe orientale, la méditerranée, le Caucase, l’Asie centrale, le Proche-Orient et le Golfe. Les solutions architecturales face à des enjeux aussi bien environnementaux que sociaux sont au cœur de ces analyses. En Syrie, la séquence archéologique reconnue à Dja’de permettra d’affiner l’étude de l’évolution des techniques de construction néolithique. Dans cette même région, les bâtiments communautaires d’un autre site néolithique, Tell Abr 3 seront analysées. Dans la cuvette d’El Kowm, les études porteront sur l’habitat rural traditionnel et son lien avec les traditions bédouines. Enfin, les techniques de construction en terre et en pierre de sites de l’âge du bronze en Syrie, en Asie centrale et en Oman seront au cœur d’une réflexion sur l’architecture des premiers âges des métaux.
Programme B - Expressions symboliques
- Idéologies et rituels
Les rituels sont un ensemble réglementé de gestes et de paroles mis en œuvre en certaines occasions solennelles : religieuses, magiques, mais aussi dans le cadre de l’exercice du pouvoir royal. Ils sont l’expression d’idéologies caractérisant une société. Cette approche va concerner la personne royale révélée par les textes suméro-akkadiens. Le souverain, de par son rapport privilégié avec les dieux, est un acteur majeur des rituels (rituel de couronnement, de fertilité...). Ces pratiques témoignent non seulement de l’idéologie qui entoure le roi, mais aussi son rôle dans la conception de la société et du monde. L’approche concernera aussi l’Arabie du Sud où, dès le VIIIe s. av. J.-C., un panthéon était fixé. Chaque royaume et cité-État avait sa divinité officielle. Les recherches auront pour objectif de déterminer la période de l’apparition de la culture sudarabique en Arabie centrale, de déceler ses spécificités locales – panthéon, langue – et enfin d’étudier la nature des échanges avec les royaumes de l’Arabie du Sud, notamment à l’aube du Iere millénaire, date de l’apparition et de l’utilisation de l’écriture alphabétique en Arabie. Les rites seront aussi approchés par l’étude de l’animal, notamment dans les sanctuaires. La momification d’animaux (crocodiles) au 1e millénaire av. J.-C. en Égypte (élevage des animaux, préparation des corps, composition de la momie) sera particulièrement étudiée.
Concernant la symbolique propre à certains objets, l’étude des figurines anthropomorphes (en argile, os et pierre) de Dja’de ou encore celles des pierres à rainures décorées du site de Tell Abr 3 contribueront à éclairer la perception que les hommes du néolithique avaient d’eux-mêmes. Enfin, le site syrien d’Al-Rawda permettra de présenter une étude approfondie d’un sanctuaire du 3e mill. av. J.-C. Il sera analysé tant sur le plan architectural qu’en ce qui concerne les rituels qui y prenaient place. Ces derniers seront appréhendés à travers le mobilier et les installations en lien avec la documentation textuelle.
- Représentations de systèmes politiques et des pouvoirs
Les différentes formes des pouvoirs et des systèmes politiques seront abordées à travers leurs représentations et leurs expressions matérielles et textuelles dans différents contextes chrono-culturels. Qu’il s’agisse de Tell Ashara-Terqa et du royaume de Hana en Syrie ou de Qasr Shemamok-Kilizu au Kurdistan irakien au Bronze ancien et moyen, la documentation, archéologique, épigraphique et iconographique, permet d’éclairer les mutations politiques, institutionnelles et idéologiques contemporaines des dominations babylonienne, mitannienne puis assyrienne en Mésopotamie du Nord (17e-12e siècles av. J.-C.). À travers le projet de déchiffrement de l’écriture Élamite linéaire, utilisée de 2500 à 1800 av. J.-C., les dynasties iraniennes de Simashki et des Sukkalmah (vers 2100-1900 av. J-C.) seront plus amplement documentées, permettant de reconstituer leur mode de représentations, à la frontière des mondes mésopotamien et iranien. Enfin, concernant l’Arabie du Sud du VIe s. av. J.-C. un des objectifs sera de définir, à partir des inscriptions provenant du site de Fâw, le degré de dépendance politique des cités caravanières vis-à-vis du royaume de Saba’, et à quel moment a eu lieu le basculement vers l’autonomie politique qui coïnciderait avec l’abandon de la langue sabéenne en faveur de l’arabe.